L’observance médicamenteuse est définie comme « la mesure par laquelle le comportement du patient correspond aux recommandations du prescripteur »[1, 2]. Le terme observance est largement utilisé dans la littérature; cependant il a été critiqué pour sa connotation négative dans la relation patient-clinicien [1]. Le terme « adhésion » doit être à celui de’ « observance » car ce dernier suggère que la malade suit passivement les recommandations des médecins et que le plan de traitement n’est pas basé sur un contrat patient–soignant [1-4]. L’adhésion fait référence à « une implication active du patient, à un traitement mutuellement acceptable » [1, 2]. Différentes terminologies sont utilisées dans la littérature pour définir l’adhésion thérapeutique et sa mesure, c’est pourquoi elles restent difficiles à déterminer [1, 3, 5].
La non adhésion (NA) a reçu une attention toute particulière ces dernières années et peut être décrite de la façon suivante [1, 3, 6, 7]:
- NA par refus d’acceptation (le patient refuse la maladie et ne commence pas son traitement)
- NA par faible exécution (le patient supprime des prises médicamenteuse, diffère le moment des prises)
- NA par manque de persévérance (le patient ne suit pas son traitement pendant toute la période prescrite).
Le moment de la prise est aussi important que la prise elle-même en transplantation, car des déviations de concentrations en immunosuppresseurs peuvent aboutir à des conséquences graves [7, 8]. Ne pas se présenter aux visites médicales de contrôles, ne pas réaliser les analyses biologiques, ou encore avoir une hygiène de vie inadaptée, représente aussi des circonstances qui peuvent être considérés comme de la NA [9, 10].
L’adhésion est une notion importante, déjà bien étudiée en transplantation d’organe solide ; cependant, très peu de données existent en greffe de CSH (Mismanaging the gift of life: noncompliance in the context of adult stem cell transplantation Bishop BMT 2002 ; 29 :875- 880). Des facteurs socio-économiques, comportementaux, psychologiques peuvent être prédictifs de NA comme:
- L’âge : en pédiatrie comme en médecine adulte, l’âge peut modifier le comportement du patient vis-à-vis de sa prise en charge médicamenteuse. Les adolescents et les jeunes adultes sont confrontés à une dualité entre leur velléité d’indépendance et leur responsabilité face à la maladie [11-13]. La période de transition entre le service de pédiatrie et le service d’adultes semble être particulièrement à risque de NA [14, 15]. Les adultes, notamment ceux de plus de 60 ans, doivent faire face non seulement à leur maladie, mais aussi aux conséquences physiques et psychiques liées à l’âge (comorbidités, troubles visuels, troubles cognitifs…). [6, 16, 17]
- Le genre : les données de la littérature restent controversées quant au « patient type » à risque de NA. En effet, les femmes peuvent être non adhérentes par manque de soutien social; quant aux hommes, leur adhésion thérapeutique peut être meilleure grâce à l’implication de leur conjoint(e) [18, 19].
- Le support social : l’environnement social peut se définir de plusieurs façons [20]:
- support social du conjoint, de la famille, des amis
- support matériel pour le quotidien (aide ménagère, repas à domicile, association/réseau patient…)
- support information : information et suivi personnalisé du patient par l’équipe soignante.
D’après la littérature, la qualité de l’accompagnement social définit l’aptitude du patient à être adhérent ou non, en sachant que plus celui-ci est restreint, plus le malade est exposé à un risque de NA par isolement [21].
- L’éducation : une discordance existe dans la littérature quant à l’impact du niveau d’études des patients dans leur aptitude à être adhérents ou non. En greffe d’organe solide, le niveau éducationnel semble influencer la NA : pour les patients avec un niveau éducationnel plus faible, il s’agit d’un manque de connaissance de leur pathologie et de leur traitement [22]; pour ceux avec un haut niveau éducationnel, interviennent des contraintes liées à l’exercice de leurs résponsabilités professionnelles [23]. Quoi qu’il en soit, il apparaît clairement que la motivation du malade conditionne son adhésion [23].
- Le temps depuis la greffe : si en greffe d’organe solide les patients peuvent présenter des problèmes d’adhésion après 1 an de greffe, ce constat est moins évident chez le malade allogreffé [24-26]. En effet, le traitement immunosuppresseur est arrêté plus précocement, sauf dans le cas de GVH (graft versus host) chronique, période pendant laquelle les comportements de NA peuvent avoir des conséquences cliniques graves (infection, aggravation de l’état clinique…). Dans le cadre de la greffe de CSH, l’expérience clinique nous amène à constater des problèmes de NA thérapeutique à 3 mois post-greffe : du fait de conséquences esthétiques négatives du traitement (hyperpilosité, syndrome de Cushing…), mais aussi en raison de l’amélioration de l’état clinique et du l’optimisation concernant la prise de greffe qui amènent les patients à parfois banaliser ou minimiser l’importance de la prise du traitement. Néanmoins, aucune étude dans la littérature ne permet de vérifier ce constat empirique.
- Les médicaments : la littérature concernant les maladies chroniques a montré que plus de 5 médicaments par jour, composant un nombre de comprimés supérieur à 10-15 et plus de 2 prises quotidiennement s’accompagnent d’un risque de NA [2]. De même, les effets indésirables rencontrés avec certains traitements comme les anticalcineurines, les corticoïdes, le mycophénolate sont aussi des indicateurs de potentielle NA [3, 27-29]. A ce propos, n’aucune donnée dans la littérature sur la greffe de CSH est disponible actuellement.
- La phytothérapie, complémentaire : certains patients ont recours à la phytothérapie dans l’objectif de diminuer les effets toxiques et /ou d’améliorer l’efficacité du traitement dit « conventionnel ». Ces dernières années la prise de nombreux compléments alimentaires à base de plantes a été observée avec possiblement des conséquences infectieuses graves chez les patients greffés [30]. Une étude multicentrique en France est en cours afin d’évaluer plus précisément l’incidence de la prise de ce type de produits.
- L’état émotionnel du patient: d’après la littérature, l’anxiété est un facteur aggravant de NA et peut aboutir à un isolement social. Elle apparaît du fait de la peur de la mort, des complications de la greffe (GVH, infections), de la contrainte des traitements et du risque d’évolution de la maladie [31, 32].
L’adhésion peut être mesurée par des méthodes directes ou indirectes [1, 7, 33]. Les méthodes indirectes incluent les déclarations du malade (par auto-évaluation, questionnaire ou entretien), le comptage des comprimés, le nombre de renouvellements des prescriptions, l’état clinique du patient, ou encore le monitorage électronique [1]. Le monitorage électronique par un dispositif de contrôle d’ouverture, plus connu sous le nom de pilulier électronique MEMS (Medical Event Monitor System) [3, 17], est la méthode recommandée dans la littérature pour la mesure de l’adhésion. Néanmoins, s’il permet d’évaluer le nombre et le moment des prises, il ne peut en aucun cas attester de l’ingestion du médicament [1, 5, 7, 14]. De plus, l’outil n’est pas disponible dans tous les services cliniques et reste très onéreux.
La méthode directe consiste à évaluer les taux sériques d’immunosuppresseurs à des temps donnés. Ses limites seraient liées à l’effet « blouse blanche » ; le patient se montre adhérent au traitement durant la période proche des dosages biologiques afin de présenter un taux sérique adapté au moment des consultations [22].
A ce jour, il n’existe pas de méthode de référence permettant de mesurer l’adhésion des malades, critère d’une importance cependant cruciale dans la prise en charge du patient transplanté. La NA est un problème de santé publique qui peut aboutir à des conséquences cliniques graves ainsi qu’à des conséquences économiques non négligeables. Dans ce contexte, il nous est apparu indispensable de faire, dans un premier temps, un état des lieux de l’adhésion thérapeutique du patient allogreffé afin de développer, dans un deuxième temps, des axes de travail d’éducation thérapeutique auprès des malades