État actuel de la question

La cystite hématurique (CH) est une complication majeure de l’allo-CSH. Dans la littérature, l’incidence de CH chez les patients en post-greffe est de 16-26 % [1, 2].

Dans la forme précoce de la cystite hématurique (24 à 72 heures post-greffe), la cause principale est toxique : cyclophosphamide, mais aussi busulfan, vépéside et irradiation. La forme tardive (> 7 jours post-greffe) est plus souvent liée à une réactivation virale (polyomavirus BK, adénovirus, CMV) [3-6] et peut être favorisée par l’importance de l’immunosuppression (SAL, greffe de sang placentaire, greffe haplo-identique, greffe mismatch et GVHD aiguë de grades II-IV) [2]. L’incidence de virurie et virémie à BK virus dans cette population est de 81 et 28 %, respectivement [1]. La corrélation entre BK virus et cystite reste, toutefois, débattue [7].

Recommandations

Définir le grade de la cystite hématurique

  • – Grade 1 : hématurie microscopique.
  • – Grade 2 : hématurie macroscopique.
  • – Grade 3 : hématurie avec caillotage.
  • – Grade 4 : hématurie macroscopique avec caillotage et insuffisance rénale aiguë par obstruction de l’arbre urinaire.

Bilan étiologique

  • ECBU standard.
  • Recherche virale dans les urines et le sang : PCR Adénovirus et BKV (PCR CMV sang ou antigénémie CMV).
    • Si délai PCR trop long : cytologie des urines (Decoy cell) à la recherche des inclusions virales ; culture virale des urines ;
    • Bilan de l’arbre urinaire : échographie rénale (éliminer une hydronéphrose) et vésicale (caillotage, épaisseur de la paroi).

Traitement préventif

  • Hyperhydratation pendant le conditionnement contenant notamment de la cyclophosphamide.
  • Uromitexan®
  • Recherche d’hématurie à la bandelette pendant le conditionnement (toutes les 8 heures) et surveillance de la diurèse.

Traitement curatif

Mesures générales

  • Hyperhydratation (1,5-3 L/m2/24 h).
  • Maintenir le taux d’hémoglobine > 100 g/L.
  • Maintenir le taux de plaquettes > 50 G/L.
  • Arrêt des traitements anticoagulants.
  • Correction des troubles de la coagulation.

Mesures urologiques dans l’ordre [8, 9]

  • En cas de caillotage : pose d’une sonde double voie pour lavage vésical avec sérum physiologique en débit libre, irrigation continue sur 24 h jusqu’à l’obtention des urines rosées (ne gonfler le ballonnet qu’à 15 mL, au-delà de ce volume il existe un risque d’irritation vésicale).
  • Décaillotage au lit du malade soit à travers la sonde double voie soit par une sonde « Couvelaire » (sonde plus rigide que double voie, posée par les urologues). Si échec au bout de 48 h, passer à l’étape 3.
  • Décaillotage au bloc opératoire sous anesthésie générale, évaluation de la vessie par cystoscopie et biopsie de la vessie si lésion suspecte, électrocoagulation sélective ou pancoagulation (vaporisation laser dans l’avenir ?).
  • Dérivation par des sondes urétérales ou néphrostomie bilatérale (exclusion de la vessie).
  • Instillation intravésicale d’alun de potassium : le délai d’obtention n’est pas immédiat (préparation magistrale hospitalière, définir le protocole avec les urologues et les pharmaciens). Attention au risque d’acidose métabolique et de toxicité neurologique (encéphalopathie) en cas d’insuffisance rénale. Ne pas oublier de surveiller le TP et de doser l’aluminium sanguin [8]. En cas d’encéphalopathie : proposer une dialyse + déféroxamine (Desféral®).
  • Embolisation ou ligature bilatérale des artères hypogastriques tout en sachant qu’il existe un risque non négligeable de nécrose de la vessie.
  • Urétérostomie bilatérale (Bricker) avec cystectomie sus-trigonale.

Traitement antiviral

En l’absence d’études prospectives disponibles, le cidofovir peut être proposé aux patients ayant des signes cliniques de CH > grade 2 avec une virurie BKV ou adénovirus positive [10, 11]. Deux options thérapeutiques antivirales peuvent être envisagées :

  • Cidofovir IV [10-12]
    Surveillance avant l’injection de cidofovir de la créatininémie et la protéinurie (mais difficile à interpréter en cas d’hématurie massive).
    Modalités d’administration : 5 mg/kg/j en IV lent sur 1 h une fois par semaine pendant 2 semaines consécutives en traitement d’attaque puis une fois toutes les 2 semaines à partir de 15 jours après la fin du traitement d’attaque. La réponse clinique est obtenue dans un délai médian de 27 jours (3 à 4 injections). En cas de persistance des signes cliniques, mesurer la charge virale et réévaluer sur le plan urologique. La suite thérapeutique n’est pas définie.
    Hydratation : 500-1 000 mL de sérum salé 9 % sur 1 h avant le début de la perfusion puis 500-1 000 mL de sérum salé 9 % sur 1 à 3 heures pendant et après la perfusion en tenant compte, bien évidemment, de l’état cardiaque du patient. Les volumes sont ajustés à la surface corporelle chez l’enfant (600 mL/m2).
    Probénécide : 2 g per os pendant un repas si possible à H - 3 avant le début de la perfusion puis 1 g à H + 2 et H + 8 après la fin de la perfusion.
  • Cidofovir intravésical [13]
    La posologie est de 5 mg/kg avec un clampage de la sonde urinaire pendant 20 à 30 minutes sans probénécide. La perfusion intravésicale doit être précédée par la réalisation d’un ECBU. Elle est contre-indiquée en cas de risque de reflux vésico-rénal ou en cas de présence de sonde double J. L’injection pourra être répétée au rythme d’une fois par semaine jusqu’à disparition des signes cliniques.

Management de l’immunosuppression

Diminution de l’immunosuppression dans la mesure du possible.

Autres mesures décrites dans la littérature dont l’efficacité reste à démontrer

  • Usage d’etamsylate (Dicynone®) une ampoule x 3 par jour ou Exacyl® 3 g/j.
  • OEstrogénothérapie par estradiol (Oromone®) 1 à 2 cp/j (attention hépatopathie).
  • Instillation vésicale de prostaglandine E.
  • Instillation vésicale de phénol, de formaldéhyde ou de nitrate d’argent.
  • Eptacog alfa activé (Novoseven®) : il est important de considérer le rapport coût/efficacité de ce médicament.
  • FXIII.
  • Oxygénothérapie hyperbare afin de faciliter la cicatrisation de la muqueuse vésicale notamment dans le cas de cystite postradique.

Questions résiduelles à explorer

Pour la charge virale BKV, le seuil critique et le rythme de surveillance sont mal définis [14]. Nous proposons la mise en place d’une étude prospective au sein de la SFGM-TC dont l’objectif primaire serait de définir un seuil de charge virale BKV prédictif de l’apparition de CH. Les objectifs secondaires seraient de définir la population à risque, la corrélation entre la virurie, la virémie et les signes cliniques, l’impact d’un traitement précoce par cidofovir sur l’évolution clinique et biologique de la CH.

Nous préconisons une surveillance de la charge virale BKV urinaire et sanguine selon le schéma suivant :

  • mesure de la charge virale urinaire BKV par PCR et un prélèvement sanguin dans le cadre du bilan prégreffe ;
  • un contrôle systématique de la charge virale urinaire à J + 15 post-greffe et un prélèvement sanguin à congeler. Le prélèvement sanguin sera traité si un gain de 3 log dans les urines est observé ;
  • puis une surveillance de la charge virale urinaire et sanguine tous les 15 jours si un gain de 3 log dans les urines est observé entre ces deux points, prégreffe et J + 15 (jusqu’à J + 60).
    Pour les laboratoires de virologie, il est indispensable qu’une méthode standardisée de la quantification PCR BKV dans les urines et le sang soit définie.
    Sur le plan antiviral, il n’y a pas de consensus thérapeutique bien codifié sur la posologie et la durée du traitement par le cidofovir. Quatre schémas sont proposés dans la littérature :
  • soit la posologie conventionnelle qui est de 5 mg/kg une fois par semaine en IV pendant 2 semaines puis une injection par semaine tous les 15 jours (à adapter avec la clairance de la créatinine) ;
  • soit 1 mg/kg, 1 fois par semaine en IV sans probénécide [2] ;
  • soit 1,5 mg/kg 3 fois par semaine en IV [1] ;
  • soit 5 mg/kg 1 fois par semaine en intravésical sans probénécide.

L’efficacité thérapeutique doit-elle être évaluée uniquement sur le plan clinique et/ou par une surveillance virale ?

RÉFÉRENCES

1. Gaziev J, Paba P, Miano R, et al. Late-onset hemorrhagic cystitis in children after hematopoietic stem cell transplantation for thalassemia and sickle cell anemia: a prospective evaluation of polyoma (BK) virus infection and treatment with cidofovir. Biol Blood Marrow Transplant 2010 ; 16 : 662-71.

2. Savona MR, Newton D, Frame D, Levine JE, Mineishi S, Kaul DR. Low-dose cidofovir treatment of BK virus-associated hemorrhagic cystitis in recipients of hematopoietic stem cell transplant. Bone Marrow Transplant 2007 ; 39 : 783-7.

3. Bedi A, Miller CB, Hanson JL, et al. Association of BK virus with failure of prophylaxis against hemorrhagic cystitis following bone marrow transplantation. J Clin Oncol 1995 ; 13 : 1103-9.

4. Arthur RR, Shah KV, Charache P, Saral R. BK and JC virus infections in recipients of bone marrow transplants. J Infect Dis 1988 ; 158 : 563-9.

5. Arthur RR, Shah KV, Baust SJ, Santos GW, Saral R. Association of BK viruria with hemorrhagic cystitis in recipients of bone marrow transplants. N Engl J Med 1986 ; 315 : 230-4.

6. Dropulic LK, Jones RJ. Polyomavirus BK infection in blood and marrow transplant recipients. Bone Marrow Transplant 2008 ; 41 : 11-8.

7. de Silva LM, Bale P, de Courcy J, Brown D, KnowlesW. Renal failure due to BK virus infection in an immunodeficient child. J Med Virol 1995 ; 45 : 192-6.

8. Harkensee C, Vasdev N, Gennery AR, Willetts IE, Taylor C. Prevention and management of BK-virus associated haemorrhagic cystitis in children following haematopoietic stem cell transplantation–a systematic review and evidence-based guidance for clinical management. Br J Haematol 2008 ; 142 : 717-31.

9. Traxer O, Desgrandchamps F, Sebe P, et al. Hemorrhagic cystitis: etiology and treatment. Prog Urol 2001 ; 11 : 591-601.

10. Cesaro S, Hirsch HH, Faraci M, et al. Cidofovir for BK virusassociated hemorrhagic cystitis: a retrospective study. Clin Infect Dis 2009 ; 49 : 233-40.

11. Cesaro S, Zhou X, Manzardo C, et al. Cidofovir for cytomegalovirus reactivation in pediatric patients after hematopoietic stem cell transplantation. J Clin Virol 2005 ; 34 : 129-32.

12. Ljungman P, Deliliers GL, Platzbecker U, et al. Cidofovir for cytomegalovirus infection and disease in allogeneic stem cell transplant recipients. The Infectious DiseasesWorking Party of the European Group for Blood and Marrow Transplantation. Blood 2001 ; 97 : 388-92.

13. Bridges B, Donegan S, Badros A. Cidofovir bladder instillation for the treatment of BK hemorrhagic cystitis after allogeneic stem cell transplantation. Am J Hematol 2006 ; 81 : 535-7.

14.Wong AS, Chan KH, Cheng VC, Yuen KY, Kwong YL, Leung AY. Relationship of pretransplantation polyoma BK virus serologic findings and BK viral reactivation after hematopoietic stem cell transplantation. Clin Infect Dis 2007 ; 44 : 830-7.

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